Dehors les monstres !

Clément Paquis

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Clément Paquis

Note de l'éditeur : ce texte peut choquer les lecteurs les plus sensibles.

Je déteste les enfants. Un gosse, c'est con, cruel, sale, bruyant, ça pleure tout le temps, ça hurle, ça vit bien trop longtemps et puis une fois adulte, ça boit, ça fait de la politique, ça déclenche des guerres, ça emmerde son monde et pour couronner le tout : ça se reproduit. L'humanité n'a aucune grâce à mes yeux. Lorsque je regarde les gamins du quartier courir sous mes fenêtres, je vois des enfants-soldats d'Afrique, des SS de la jeunesse hitlérienne, des khmers rouges, de petits êtres cruels et perfides qui n'ont pas encore expurgé leur animalité et qui ne m'ont pas tué pour la seule raison qu'ils risqueraient d'être privés de dessert.

Prenez mon chien. Prenez même les chiens en général. En connaissez-vous des spécimens cruels ? Moi, non. J'ai connu des chiens agressifs, mais ils l'étaient toujours au tort exclusif de leur maître. Un jour, un jeune homme idiot veut surjouer son absence de virilité, sa petite bite, sa petite taille, sa lâcheté intrinsèque en se payant un gros chien de défense. Type rottweiler ou pitbull, et il le dresse à être agressif. Il lui transmet sa haine et ça se termine en drame. Pourriture humaine ! Vous avez déjà vu un homme bien dans sa peau et dans son corps se balader avec des molosses ? Non. On n'a pas besoin de déléguer son agressivité à un animal lorsqu'on est sain d'esprit.

— Maman, je peux aller caresser le chien de mamy Suzanne ?
— Oui mon chéri, si mamy Suzanne est d'accord.

Elle me lance son regard mièvre, celui qui dit « les enfants sont merveilleux » et moi je suis piégée. Son merdeux va venir emmerder mon chien et je vais devoir garder le sourire, ne pas trahir mon dégoût de le voir poser ses petits doigts de parasite sur mon amour de chien. Allez, vas-y petit con, touche, manipule, colle tes sales doigts dans les poils de mon chien « pour voir », mais fais bien gaffe parce que je l'ai dressé à croquer les doigts des petits cons dans ton genre.

— Il ne craint rien madame Suzanne ?
— Oh, vous savez, aujourd'hui, à l'hôpital Boucicaut, on vous recoud un doigt sectionné en un rien de temps !
— L'hôpital Boucicaut n'existe plus, madame Suzanne...
— Ah ? Alors qu'il fasse attention quand même !

Et je ris doucement. Quand on accompagne une saloperie d'un rire honnête, les gens en face ne savent plus où ils en sont. Elle doit s'imaginer que je fais de l'humour. Si elle savait à quel point j'aimerais voir son fils crever d'une leucémie foudroyante sous mes yeux.

— Mattéo, viens, c'est l'heure de goûter...
— Oh, mais je veux encore caresser le toutou !

Mais tu vas obéir à ta mère, sale petit merdeux ? Putain, mais c'est pas croyable ça ! « Je veux, je veux », et qu'est-ce que tu donnes en échange ? De la merde dans tes couches ? Des soucis à tes parents ? Le trou de la sécu ? Allez, dégage de là, Mattéo !

Mattéo en plus... Encore une mère de famille frappée par le démon de l'originalité. Sûr que son chiard doit avoir des tas de copains qui s'appellent Léo ou Matis. Prénoms de cons... L'humain est décidément un être d'une originalité stupéfiante.

Quand j'ai eu vingt ans, mon mari s'est mis en tête de me faire un enfant. À partir du moment où il me l'a avoué, je l'ai privé de sexe. Hors de question pour moi d'être la porteuse d'un pareil virus. Et puis, quelle laideur dans l'accouchement. Quel spectacle affligeant que celui d'une femelle de l'espèce humaine en train de vomir par son utérus un petit primate nu et gueulard. Inter fæces et urinam nascimur, « nous naissons entre la pisse et la merde », de quoi se poser des questions sur le rêve de ces pondeuses qui renoncent à leur indépendance au profit de leur instinct de reproduction.

Et puis ça finit dans les parcs à pousser des landaus. Ça compare la taille de son morveux avec celui de la voisine. « Oh, dites-moi, vous devez avoir un gros vagin ! Il est énorme votre fils ! »
Et quand les gamins sont devenus trop gros pour rentrer dans une poussette, on leur achète un vélo et ils viennent devant chez moi emmerder mon chien. Merci l'humanité !

J'ai empoisonné mon premier gamin pendant l'été 2008. Je ne sais pas d'où il sortait celui-là, il était du type curieux. Je l'avais découvert planté au milieu de mon séjour en train d'essayer de choper un de mes oiseaux dans sa cage. C'est comme ça les gosses : un bouton ? Faut appuyer dessus. Une cage ? Faut l'ouvrir. Quelque chose est beau ? Faut le salir. Alors je lui ai proposé une tasse de chocolat à l'arsenic et j'ai dissous son cadavre dans ma baignoire avec vingt bouteilles de lessive de soude.

Pour un gosse de huit ans, prévoir vingt bouteilles.
Pour un gamin de dix, en prévoir huit de plus.

Sans corps, pas de preuve, sans preuve pas de poursuite. Tuer, c'est facile. Une limace ou un gamin, c'est pareil. Faut pas se laisser décourager par la taille.
J'en suis à mon vingt-neuvième gosse dissous. Vingt-neuf en dix ans, c'est un beau palmarès. Beaucoup de jeunes parents ont déserté le quartier. On dit qu'il y a une « psychose » qui s'est installée. Elle est la bienvenue. Je m'en passerais bien, moi, de dissoudre ces saloperies de gamins dans ma baignoire. C'est fatigant et puis ça prend du temps. J'ai plus l'âge. Hier, j'ai répondu à un journaliste de France 3 qui me demandait mon avis sur toutes ces disparitions. J'ai fait une réponse du genre de celle qu'il attendait. J'ai mis ça sur le dos d'un potentiel détraqué violeur d'enfants, un adepte de l'imperméable et du sac de bonbons. Les vieux clichés, ça fonctionne toujours.

J'ai bientôt quatre-vingt-quatorze ans et je vais finir ma vie peinarde dans ce village fui par les gosses. Bien fait pour eux ! Tant mieux pour moi ! L'humanité, c'est dégueulasse, j'en veux pas devant chez moi ! Dehors, les monstres !





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