Le Fantôme

B. Alvic

B. Alvic

Un beau matin,
Mon médecin
Lors d'un rendez-vous de contrôle,
D'un air sérieux
Me dit : « Mon vieux,
Je dois te dire un truc pas drôle.
Assieds-toi bien,
Ce n'est pas rien,
Car je parierais mon diplôme
Qu'un virus rare
Un peu bizarre
A fait de toi un vrai fantôme.

Oui je l'avoue,
Ça paraît fou
Pourtant lorsque je t'examine,
Je ne vois plus
Que des os nus
Et tu n'as pas très jolie mine.
Je vois ton crâne
Mais pas d'organes,
Pas de sang, de muscle ou de gras,
Et un détail
Qui est de taille :
Tu te déplaces avec un drap !

Au tout début,
J'ai d'abord cru
Que tu avais trop bu la veille.
Mais que tu voles
Si loin du sol,
Ça m'a mis la puce à l'oreille.
Oui mon petit,
Tu es maudit,
Pour toi je ne peux rien de plus.
Tu es un spectre :
Va voir un prêtre,
Il aura peut-être une astuce. »

Quittant le doc
Après ce choc,
J'allais faire un tour à l'église.
Cela me coûte
Mais dans le doute,
Un peu de ferveur est de mise.
Je lus, sceptique,
Quelques cantiques
En y mettant tout mon entrain,
Priant très fort
Que cet effort
Me sortirait de ce pétrin.

Un vieux curé
À l'air beurré
S'assoupissait dans la chapelle.
Me voyant là,
Il s'écria :
« Ai-je forcé sur la coupelle ?!
Serais-je fou ?
Est-ce bien vous ?
Le Créateur, l'Être Suprême ?
Prenez ma chaise,
Pas de malaise !
Vous boirez bien un café crème ?

Mais dites-moi
Mon cher, pourquoi
Cette résurrection subite ?
Par les Enfers,
Quelle est l'affaire
Qui méritait cette visite ? »
Voyant l'abbé
La bouche bée,
Et pour stopper tout quiproquo,
Je lui explique
Le diagnostic
De mon docteur un peu plus tôt.

Écoutant bien
Tout mon chagrin,
L'ecclésiastique ouvre ses bras
Et dit : « Tu peux
Tant que tu veux
Laisser ici traîner ton drap.
Et si besoin
L'hiver prochain,
Je te le garnirai de plumes.
Dans cette crèche
Les nuits sont fraîches,
Je m'en voudrais que tu t'enrhumes. »

Pour être honnête
Je restais bête,
Ne sachant que dire et que faire
Devant cet homme,
M'accueillant comme
S'il était mon propre frère.
Et depuis lors
Je l'aide encore,
Je l'assiste à tous les offices.
Je me rattache
Tant à ma tâche
Que j'en oublie mon maléfice.

Sa bienveillance,
Et sa confiance
M'ont éclairé chaque seconde.
La main tendue
D'un inconnu
Vaut bien tous les trésors du monde.

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