Chères bibliothécaires,

J'étais un petit rat de bibliothèque et je le suis toujours.

Quand j'entre dans une de ces maisons de livres, je suis comme Alice aux pays des merveilles, je veux tout toucher, caresser, soulever, feuilleter, lire.

Les médiathèques sont des palais.

Et vous êtes des reines (ou des rois !)

Mes reines.

Depuis 45 ans quand vous m'invitez chez vous, j'accours.

Vous venez me chercher à la gare ou à l'aéroport et je vous reconnais par vos sourires.

Vous me conduisez à votre royaume ou vous m'accueillez avec un café, des gâteaux faits maison, du chocolat et même des calissons. Des fois, on y pique-nique à la fortune du pot. C'est chaleureux et amical. Dans le meilleur des cas, nous allons manger un couscous au restaurant.

Parfois, vous me parlez de vos problèmes, de vos souvenirs, de vos parcours. Vous êtes mes proches d'un jour, et, souvent, de toute une vie. On se raconte. On s'est arrêtées sur le côté de la route pour pleurer ensemble.

Nous rions aussi !

Quand je pars vers chez vous je me dis « Pourvu que je ne me fasse pas encore une amie. » Ça ne marche jamais.

Oui, vous êtes mes ami.e.s.

Et nous avons des amis communs : les livres ! Et un amour commun, la lecture !

Mes expéditions chez vous sont mes aventures. Il n'y avait pas d'hôtel alors vous m'avez logée dans un EHPAD. Chaque vieille voulait me faire visiter sa chambre. J'ai aussi dormi chez vous sur le canapé du salon. Ou dans un bed and breakfast complètement pourri, ou sur le banc devant l'hôtel qui était fermé hermétiquement quand je suis rentrée de notre dîner, mais des fois même dans un palazzo ou toute seule dans la suite matrimoniale.

Vous me présentez aux classes que vous avez passé des mois à préparer. Ça peut aller de la rencontre banale, voire nulle, à des surprises extraordinaires. Chaque enfant amène un gâteau et c'est la fête. Ou les enfants se déguisent en personnages de mes romans. Ou c'est l'émeute (Joker !)

Des rencontres tout public avec des dédicaces, un autre bonheur. J'ai souvent donné mon spectacle Confession d'une grosse patate dans vos murs.

Vous voyez, ceci est une lettre d'amour ! Je sais que bientôt, je ne vais plus pouvoir me transporter vers vous. Je suis déjà nostalgique.

Vous allez tellement me manquer.

Oui, je vous aime.

Susie